L'honneur brisé d'une entreprise de plus de 1 400 ans

Publié le par Mandy

 
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n 2007, au temple Kounji, près de Kyoto (Japon), va commencer la construction d'une pagode à cinq niveaux. Pour ces travaux, les autorités du temple ont fait appel à la société Kongo Gumi, au savoir-faire reconnu depuis plus de quatorze siècles.
 
Pourtant, la Kongo Gumi d'aujourd'hui n'est plus l'entreprise familiale, indépendante et spécialisée dans la construction de temples, au service des empereurs, shoguns et daimyo qui façonnèrent le Japon. Après plus de 1 400 ans d'existence, elle a été liquidée avant de renaître, début 2006, comme simple filiale de Takamatsu, une entreprise de construction
 
Kongo Gumi semblait pourtant éternelle. La société a vu le jour dans le sillage du bouddhisme, introduit au Japon au VIe siècle. Officialisée à la cour de Yamato en 552, cette religion sera le support de l'influence chinoise dans l'Archipel.
 
Chef de file de ce courant nouveau, le prince Shotoku (574-622) fait appel en 593, à Kongo Gumi, un groupe de charpentiers menés par Shigemitsu Kongo, venus en 578 de la province coréenne de Paekje. Il leur commande la construction du temple Shitenno-ji, dans la région d'Osaka. Au fil des siècles, ce temple sera détruit. A chaque fois, il sera reconstruit par les artisans de Kongo Gumi.
 
La pérennité de cette société, ex-plus ancienne entreprise familiale du monde, témoigne de sa capacité d'adaptation. A sa disparition, en 2006, Kongo Gumi, également connue pour la construction du temple Horyu-ji de Nara et du château d'Osaka, était dirigée par Masakazu Kongo, 40e du nom.
 
UN SAVOIR-FAIRE TRÈS RECHERCHÉ
La force des Kongos aura été d'avoir su s'abstraire de la succession par primogéniture mâle. "Notre famille a toujours choisi le plus fort, le mieux à même d'assumer la direction de la société", précisait, en 2004, Masakazu Kongo au Time. L'histoire retiendra que le 38e des Kongos fut une femme, Yoshie, qui supervisa, en 1934, la reconstruction de la pagode du Shitenno-ji.
 
Les velléités modernistes de l'ère Meiji en 1868 et la fin du soutien des autorités, ne feront pas disparaître Kongo Gumi. La société se lancera dans la construction de bâtiments "laïcs".
 
Cependant, dans la folie de la bulle spéculative des années 1980, les dirigeants de l'entreprise multiplieront les placements immobiliers, dont la valeur s'effondrera au début des années 1990, une fois la bulle éclatée.
 
Surendettée, victime indirecte de la baisse des dons faits aux temples, Kongo Gumi a vu ses revenus baisser de plus de 35 % entre 1998 et avril 2005 pour s'établir à 7,5 milliards de yens (46 millions d'euros). En janvier 2006, Takamatsu, entreprise de construction d'Osaka, finalisait la liquidation de Kongo Gumi et le transfert de ses actifs à une filiale nouvellement créée, mais portant le même nom.
Aujourd'hui Kongo Gumi n'a qu'un an et quelques mois. Mais il y a toujours des temples à construire et son savoir-faire - la technique de l'emboîtage excluant l'usage des clous - reste très recherché.
 
Philippe Mesmer (à Tokyo)
 
LE MONDE | 03.05.07
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G
je me demande bien ou tu trouves ca
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M
mais je lis quotidiennement :<br /> le Monde<br /> Libération<br /> et Yahoo people, nécessaire pour pouvoir tenir n'importe quelle conversation de nos jours